Ferrociment, un matériau de construction méconnu
Qu’est-ce que le ferro-ciment ?
Le ferrociment, ou ferro-ciment, appelé aussi micro-béton ou voile de béton, est l’alliance de fers tors ou ronds torsadés, avec un treillis métallique, et du mortier ciment. La structure ainsi réalisée, en faible épaisseur, est extrêmement résistante.
CNIT de La Défense voile de béton
Aujourd’hui, le ferrociment est plutôt appelé « voile de béton ». Cette technique permet de réaliser des ouvrages immenses ou avec des formes complexes sur une faible épaisseur de matériau. Pour exemple, le voile de béton ou voûte auto-portante du Cnit de La Défense à Paris ou les voiliers aux formes courbes décris plus bas.
Le CNIT de La Défense fut réalisé en 1958 par les ingénieurs français Pierre Faessel (1922-2017) et Nicolas Esquillan (1902-1989). Sa surface est de 22.500 m2 soit un peu plus de 2 hectares (tu imagines…), et ne mesurait pas moins de 218 m de portée pour seulement 6 cm d’épaisseur, un record du monde à l’époque.
Bateaux en béton
Oui oui, tu as bien lu, les bateaux en béton, ça existe. Le premier bateau en béton est né en 1848, dans la tête d’un pépiniériste français qui avait l’habitude de réaliser des caissons en ciment renforcé de fil de fer pour y mettre ses orangers. Ce jour là, Joseph-Louis Lambot (1814-1887), se lance dans la fabrication d’une barque pour naviguer sur l’étang de sa propriété de Besse-sur-Issole dans le Var. Le navire mesure 3 m de long et pèse près de 600 kg, mais il flotte !!!
Le prototype original est d’ailleurs toujours conservé au musée de Brignoles. En 1855, Lambot dépose un brevet et des barges en béton armé commencent à être construites en Europe, surtout sur les canaux fluviaux. Et vers 1896, un ingénieur italien, Carlo Gabellini, se lance dans la construction de petits navires dont le plus célèbre s’appelait Liguria, et entre 1908 et 1914, de grandes barges en béton sont fabriquées en Allemagne, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Norvège, et en Californie.
Lambot, inventeur du béton armé !!!
Ce que Joseph-Louis Lambot ne sait pas en 1848, c’est qu’avec sa barque, il devient l’inventeur du matériau roi des temps à venir : le béton armé ! Eh oui, le premier ouvrage de tous les temps en béton armé est un bateau… C’est plus tard que vinrent les ponts, gratte-ciel, barrages, et nos gracieux HLM. Tous doivent quelque chose à ce bon monsieur Lambot…
Au fil du temps, les idées de Joseph-Louis Lambot séduisent plusieurs ingénieurs maritimes qui se jettent sur le béton pour construire des navires de mer, grands ou petits, péniches, cargos, bateaux de pêche, de guerre… Ces différents bateaux connaissent des fortunes diverses, car la mise en œuvre du matériau exige un savoir-faire très différent de ce que maîtrisent à l’époque les chantiers navals. Malgré de belles réussites (certaines toujours à flot) l’application du béton à la construction navale sombre peu à peu dans l’oubli.
Les hangars en ferrociment de Pier Luigi Nervi
Reprenant les idées de Lambot, l’ingénieur italien Pier Luigi Nervi invente en 1948 « un composite à matrice cimentaire, économique et ductile« , plus connu sous le nom de ferrociment. C’est un matériau différent, souple et homogène, cousin germain du béton. Cette fois le ciment n’est pas rigidifié par un corset de fer, mais s’intègre dans un maillage serré de grillage fin. Nervi construit ainsi son propre voilier ketch de 12 m, Nennele, dont le bordé n’est pas plus épais que celui d’une coque en bois. Il devient alors le champion et le prosélyte du ferro. Il est surtout reconnu pour la construction de grands hangars.
Voiliers en ferro
Mais le ferrociment connaitra son apogée dans l’après 1968, où nombre de tour-du-mondistes utiliseront le ferro pour construire leur bateau dans leur jardin. Avec des succès divers…
L’après 68, c’est le désir de liberté, et à cette époque, le voilier est le symbole de l’évasion par excellence. Ces années ont vu naître en France de nombreuses communautés dont le rêve de liberté se cristallisait autour du projet de construction d’un voilier..
Bernard Moitessier et son « Joshua » aidant (12m en acier), on construisait grand et lourd, pour partir plus nombreux. « Hippies » ou « maçons de la mer », on mettait en commun son humble pécule pour construire une coque de 15 ou 18 mètres et +, et comme on avait peu de moyens, le choix du matériau n’était pas discutable, on construisait en « ferro », matériau de prédilection pour l’entreprise communautaire car peu onéreux mais nécessitant beaucoup de main d’oeuvre (tiens tiens, cela me rappelle quelque chose…).
Les voiliers en ferrociment avaient le plus souvent des coques dites « en forme » aux lignes épurées, avec un pont et des aménagements intérieurs en bois. Ils sont les dignes répliques des anciennes goélettes de pirates et flibustiers.
On ne connait pas le nombre de voiliers ainsi construis et qui n’ont jamais navigué, ni ceux mis à l’eau dans un état de finition reflétant la précarité des moyens financiers, et qui se sont avérés innavigables, mais nous savons qu’ils ont été nombreux et ont malheureusement contribué à créer un préjugé défavorable pour un matériau qui aurait pu connaitre un tout autre développement.
En dépit des échecs, le plus souvent imputables à d’autres facteurs que le matériau lui-même, de nombreux voiliers en ferrociment, construis par des amateurs ou des chantiers professionnels, naviguent encore aujourd’hui, tel le Sagar Rani ci-dessous, voilier ketch de 16m, actuellement dans les iles San Blas de Panama.
Le ferrociment aujourd’hui
Finalement, force est de constater que le béton armé doit tout à la tentative nautique du pépiniériste de Miramas. Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Eh bien, un architecte a repris la formulation du ciment et de ses agrégats pour créer un nouveau composite très sophistiqué dont il fait déjà des sculptures, meubles, luminaires… Son nom est Jean-Michel Ducancelle, inventeur d’un béton léger de quelques millimètres. Tout n’est donc peut-être pas encore dit sur le sujet. A quand un voilier en composite béton léger…
Et si tu veux en savoir plus sur les mini-maisons semi-enterrées, télécharge mon Ebook « 3 raisons de vivre dans une maison de Hobbit ».
Sources : Loisirs Nautiques HS 17, Wikipedia, escales.wordpress.com, musée La Rochelle…
Laisser un commentaire