Fin décembre 2016, Philippe, un ami d’enfance et voisin de mes parents, qui vit depuis 10 ans en Nouvelle Zélande, passait ses vacances « d’été » à Déols. L’occasion de se revoir et de discuter du fabuleux pays où il vit et où je rêve d’aller. C’est l’occasion aussi pour moi de vous parler d’un architecte néo-zélandais, qui vit dans un dôme bioclimatique a Peka Peka près de Wellington.
Le dôme bioclimatique de Fritz Eisenhofer
Qui est Fritz Eisenhofer ?
Son histoire est digne d’un roman. Fritz Eisenhofer est né en 1926 a Spittal en Autriche. Dans les années 1950, il émigre en Nouvelle Zélande où il œuvrera comme architecte. Il est surtout connu pour avoir construit un dôme sur les bords de la plage de Peka Peka, dans le sud de l’ile du nord, au nord de Wellington.
Enfance et éducation
Friedrich est le second enfant de la famille Eisenhofer. Avec sa grande sœur Ingrid, ils passent d’abord leur enfance a Spittal, puis la famille déménage pour Vienne lorsque Friedrich a une dizaine d’années. C’est là, qu’avec Ingrid, ils prennent des cours d’équitation « nos plus belles promenades du dimanche étaient dans le parc Prater à Vienne ! » se souvient-il. Friedrich lit beaucoup. Il étudie ensuite l’ingénierie à Klagenfurt. A 17 ans, il obtient son diplôme d’ingénieur et commence a travailler pour Siemens, dans le département de la construction.
La guerre
Pendant la seconde guerre mondiale, il est d’abord cadet dans la marine, puis dragueur de mines après un entrainement dans le nord de l’Allemagne. Mais le navire sur lequel il officie est détruit lors d’un raid aérien. Il se retrouve simple soldat à la frontière germano-néerlandaise, jusqu’à la fin de la guerre, quand il rentre en Autriche.
Architecte
Grâce à un ami, il obtient un emploi d’architecte à Klagenfurt. Son ami l’encourage à suivre des études supérieures. Grâce aux nombreux livres offerts par sa mère, mais aussi à cause de sa mauvaise expérience durant la guerre, Fritz ne rêve que de partir d’Autriche, mais les permis de travail à l’étranger sont difficiles à obtenir.
Australie
Quelques années plus tard, il trouve enfin un travail dans une entreprise de construction de maison préfabriquées qui sont envoyées en Australie pour y être assemblées. « Ce fut la chance de ma vie, pouvoir enfin partir d’Autriche avec un permis de travail à l’étranger. Nous avons construit des centaines de maisons au nord de Sydney. J’en ai enfoncé des clous, mais petit a petit, on m’a confié mon propre bureau et j’ai enfin pu dessiner mes propres plans de maisons« .
Nouvelle Zélande
En 1953, à la fin de son contrat australien, son entreprise lui propose de continuer a construire des maisons préfabriquées en Nouvelle-Zélande, sur la côte de Kapiti à Titahi Bay au nord de Wellington. Là, il était responsable de la division des maisons sur les différentes parcelles, il supervisait aussi les travaux de terrassement et il a développé un système de bonus pour les travailleurs qui a accéléré le travail et l’efficacité du projet.
Titahi Bay
Dans la baie de Titahi, ce sont 500 nouvelles maisons qui arrivent d’Europe par cargo et sont construites sur place. Les plans étaient conçus par Fritz mais les maisons étaient préfabriquées en Autriche. L’objectif de l’entreprise était de construire 5 maisons par semaine. Mais devant le peu de main d’œuvre pour les assembler, l’entreprise fait venir pas moins de 170 travailleurs autrichiens dans la baie, « je me souviens, c’était presque comme une invasion autrichienne dans notre petite communauté ». C’est à ce moment là qu’il rencontre sa future épouse Helen, dont les parents tenaient une petite pâtisserie populaire où les autrichiens se pressaient à la fin de leur journée de travail.
Ambiance austriaco-maorienne
L’ambiance était telle que certains autrichiens conseillèrent aux parents d’Helen d’acheter un moulin a café. C’est ainsi qu’ils furent les premiers kiwis à consommer du « vrai » café frais dans la banlieue de Wellington. De nombreux autrichiens se marient avec des kiwis et s’installent définitivement sur place, changeant parfois de métier pour s’adapter au pays. Leur intégration est parfaite, les travailleurs autrichiens sont tout de suite acceptés et obtiennent rapidement le soutien de la communauté Maori locale Takapuwahia. Les maoris et les autrichiens vivent presque à coté les uns des autres et leur amour partagé pour la musique et la danse, a sans aucun doute joué un grand rôle dans leur intégration et le rapprochement des deux communautés.
Ministère du logement
A la fin du chantier des maisons de Titahi, Fritz et sa femme Helen, construisent des maisons pour les autrichiens qui se sont installés sur place, mais aussi pour les maoris. Plus tard, ils trouvent du travail au ministère du logement de New Zélande à Wellington, où Fritz rencontre son futur partenaire commercial, émigré autrichien lui aussi, Erwin Winkler, avec qui il créé son propre bureau d’architecture en 1958 au 108 rue Cuba à Wellington.
Winkler & Eisenhofer
Lorsque le gouvernement néo-zélandais décide d’augmenter la construction de maisons pour contrer la pénurie de logements en Nouvelle Zélande, Erwin Winkler et Fritz Eisenhofer laissent de coté le style « English Cottage » local qui avait été privilégié jusque là au lendemain de la seconde guerre mondiale, et se lancent dans la construction non conformiste de maisons offrant un confort de vie moderne, à plan ouvert, intégrant des caractéristiques inhabituelles, comme des peintures murales ou des sculptures. Cette pratique leur a permis d’accéder au marché de clients riches, leur permettant de se différencier des constructeurs locaux qui proposaient des maisons standardisées. Winkler & Eisenhofer ont par la suite orientés leurs maisons vers des standards américains contemporains, fortement influencé par des architectes tels que Ludwig Mies van der Rohe et Charles Eames, qu’ils ont ensuite proposé, pour une clientèle qui souhaitaient de plus en plus que leurs maisons reflètent l’individualité, l’internationalité et la modernité. Ainsi au moment où la demande pour les maisons conçues pour surmonter la pénurie de logements a commencée a baisser, les pratiques architecturales de Winkler & Eisenhofer ont littéralement révolutionné l’architecture néo-zélandaise en apportant un renouveau de maisons modernes qui reflétaient un nouveau style de vie.
Peka Peka
Pendant une grande partie de sa carrière, Eisenhofer a constamment recherché des solutions pour profiter de la chaleur gratuite du soleil et du paysage environnant. Sa maison de Peka Peka, sur la côte de Kapiti, en est le parfait exemple. Construit dans les années 1980, à quatre mètres sous terre et réalisé en voile de béton, la grande paroi de verre orientée vers le nord (la Nouvelle Zélande est située dans l’hémisphère sud et les maisons doivent donc être orientées au nord pour profiter des gains solaires) régule la température en chauffant lentement le rez-de-chaussée pendant l’été, cette chaleur étant ensuite relâchée progressivement vers la maison pendant l’hiver.
Inspiration
Comme Antti Lovag ou Antonio Benincà, Fritz Eisenhofer voit l’architecture de l’intérieur, l’aspect extérieur ne l’intéresse pas mais dans un pays ultra conservateur, ses idées novatrices n’ont pas été faciles à mettre en place. « Je voulais juste sortir des boîtes carrées, mais dans les années 1950, il était difficile de convaincre les gens. Mes idées ne rentraient pas dans l’esprit de nombreux conservateurs Néo-Zélandais. Pour moi, il était important, dans une maison qu’il y ai une sorte de connexion entre la vie intérieure et la vie extérieure, il a fallut beaucoup de temps jusqu’à ce que mes idées obtiennent obtiennent gain de cause dans l’architecture locale. »
Précurseur de l’habitat groupé ?
Ainsi, certains projets n’ont jamais été réalisés, comme cette « communauté dôme », qui était prévue pour intégrer des dômes comme maisons d’habitation, des jardins communs, des courts de tennis et une bibliothèque communautaire. « L’idée était ensuite de partager les voitures (un véhicule à quatre roues motrices pour la famille, une petite voiture pour la conduite en ville, une tondeuse à gazon…) ». L‘habitat groupé avant l’heure…
Hunderwasser
Comme le célèbre artiste autrichien Friedrich Hundertwasser, Fritz Eisenhofer s’intéresse aux maisons enterrées, mais c’est la leur seule ressemblance. Parfois comparé a l’artiste, Eisenhofer s’en défend « Non, non, Hundertwasser était un artiste, pas un architecte. Pour lui, le bâtiment devait être une œuvre d’art. Moi en tant qu’architecte, je vois le bâtiment de l’intérieur, Hunderwasser le voyait de l’extérieur, notre vision de l’habitat était différente.« Cela n’a pas empêché Hunderwasser de construire plusieurs édifices en Nouvelle Zélande. D’abord des toilettes publiques avec une toiture végétalisée à Kawakawa au nord d’Auckland, devenues l’attraction numéro 1 de la ville. Mais Hunderwasser est également l’auteur d’un projet de musée en partie enterré, appelé Te Papa, et prévu d’être construit également à Kawakawa. Le projet, après avoir été très controversé, serait en phase finale pour 2017, un appel aux dons ayant été lancé.
Dôme intérieur de Peka Peka
Située sur le front de mer de l’une des plages de sable blanc les plus spectaculaires de la côte de Kapiti, l’architecte Fritz Eisenhofer a créé ici, l’une des maisons les plus emblématiques de la Nouvelle-Zélande. En fait il s’agit de 2 maisons cote à cote, dont une seule est végétalisée. Présent dans de nombreuses publications, cette maison est un must. Ce qui surprend tout de suite, lorsque l’on pénètre dans le dôme principal de la maison de Helen et Fritz Eisenhofer à Peka Peka, c’est sans nul doute la piscine intérieure et son jardin sauvage tout autour. Toutes les pièces communiquent avec ce jardin intérieur. Une grande baie ronde donne une vue exceptionnelle vers la plage et l’ile de Kapiti. Un chef d’œuvre architectural vraiment extraordinaire ! « La plupart des gens ici en Nouvelle-Zélande ne comprennent pas pourquoi vous construisez une belle maison pour l’enterrer. Les vues sont juste différentes. Pour moi, une maison doit être fonctionnelle avant tout ! ».
Jardin tropical
En entrant dans cette maison, on ne peut s’empêcher de ressentir un sentiment de vacances avec la piscine intérieure et ses plantes tropicales formant le centre de la maison. Le design distinctif en dôme de béton d’Eisenhofer est présent dans toute la propriété, créant ainsi un sentiment de bien-être et de permanence sans équivoque. Les grandes fenêtres, les balcons et les ponts créent un flux visuel sans couture vers les dunes et les plages où la propriété est englobée. Dotés d’un niveau, le bureau, la cuisine ouverte, la cuisine et le salon. Une aile séparée offre un hébergement qui comprend 3 chambres et une salle de bain séparée. La chambre principale a sa propre salle de bains, dressing et vue sur le littoral. La salle de jeux, l’atelier et le garage double sont situés au rez-de-chaussée.
Cuisinier et écrivain
Aujourd’hui, à 90 ans passés, Friedrich Eisenhofer continue d’imaginer des constructions sur sa table de dessin. Alors que Helen a immortalisée la vie passionnante de son mari dans un livre, l’architecte qui est aussi cuisinier, concocte dans sa cuisine verdoyante, des boulettes de pain ou des crêpes pour le déjeuner. Car il y a une chose importante, toutes les pièces communiquent avec le jardin intérieur et la piscine. Comme chez Antti, il n’y a pas de portes…
Aujourd’hui
Ces dernières années, Eisenhofer a été décrit comme un architecte visionnaire qui a pratiqué « le modernisme sans compromis de haut niveau ». En 2010, Eisenhofer a été nommé Officier de l’Ordre du mérite de la Nouvelle-Zélande pour les services à l’architecture. Fritz n’a rien oublié de ses origines et de sa carrière, bien qu’il parle maintenant mieux l’anglais que l’allemand. Et les anciennes maisons dans la baie Titahi lui rappellent l’époque où il est venu comme un jeune homme en Nouvelle-Zélande pour commencer une nouvelle vie.
Maison invisible
Une des raisons aussi d’avoir enterrer la maison, c’était pour contourner les règlements de planification stricts de l’administration néo-zélandaise qui garantissent qu’aucune maison ne doit être visible depuis la plage dans ce domaine de «beauté exceptionnelle».
Lors d’une entrevue sur leur maison, Fritz et Helen Eisenhofer ont déclaré que les gens voulaient souvent une voiture de fantaisie, mais ne s’imaginaient pas vivre dans une maison qui n’était pas ordinaire.
A vendre
Aujourd’hui, la maison dôme est à vendre. Enfin, seulement une des 2 maisons. Située a 55 km et une heure de route de Wellington (accès aéroport, train…), la demeure est idéale pour une maison de vacances ou pour vivre à l’année. En effet, l‘aéroport local de Wellington à des connexions vers Auckland, la maison est proche des écoles et les grands magasins sont à une courte distance en voiture. La maison dôme de Peka Peka, offre la possibilité de mélanger un style architectural avec un mode de vie détendu pour des acheteurs exigeants. Selon Anthony Morsinkhof, de la Nouvelle-Zélande Sotheby’s International Realty, la propriété devrait se vendre autour de 2 millions de dollars américains. Il la décrit comme «l’une des maisons de vacances les plus emblématiques de Nouvelle-Zélande».
L’architecte anglais et animateur de télévision pour l’émission Amazing Spaces « Espaces incroyables », George Clarke désigne la maison dôme de Fritz Eisenhofer comme le dernier repaire secret de James Bond.
Un peu de mal à me convaincre du bioclimatique d’une mince feuille de béton ferraillée. Y aurait – il quelque chose que je n’ai pas compris ?