Eloge de l’ombre par Antonio Benincà

ELOGE DE L’OMBRE

éloge de l'ombre

Il y a le soleil

Le soleil, évidemment, c’est le truc le plus formidable de la terre…
C’est un gaillard qui se donne à fond depuis la nuit des temps, c’est son boulot. Il le fait en grand seigneur, il flambe, il a un cœur gros comme ça.
Par contre, il ne fait pas dans le détail, il a la générosité débordante, il irradie dans l’azur,
il n’a pas le temps de s’occuper des éventuels dommages collatéraux.
Alors gaffe, il peut vous ratatiner sur place, sans le faire exprès bien sûr,
c’est à vous de faire copain avec lui.
Mais ce n’est pas tout…
dans son infinie largesse, le soleil se fend de quelque chose de plus,
comme ça, l’air de rien, un cadeau de fidélité, une sorte de bonus…
En effet, il suffit que quelque chose soit interposé entre lui et nous pour que notre soleil fabrique, dans un sublime trait de génie, cette pure merveille :
l’Ombre

eloge de l'ombre

Ah ! l’ombre
l’ombre n’est pas l’opposé du soleil, ni son contraire, c’est sa petite sœur,
il la tient par la main, ou plutôt par le petit doigt, pour ne pas lui faire mal, car l’ombre, elle, contrairement à son grand balaise de frangin, ne fait que dans la nuance.
L’ombre se réalise dans la grâce, son champ d’action se situe dans la discrétion,
le soleil se dépense, l’ombre se dispense…
Or, il y a un nombre pour ainsi dire infini de choses qui peuvent se disposer entre le soleil et nous, pour produire de l’ombre.
Vous serez d’accord avec moi pour considérer que l’ombre la plus vivante, la plus vibrante, est celle engendrée par le feuillage. C’est elle la plus complexe, la plus sophistiquée, la plus fantasque, la plus mystérieuse, la plus agréable…
Il y a donc la plante.

Nous approchons de notre propos, car la plante fait de l’ombre, d’accord, mais seulement comme conséquence, sans s’en soucier du tout, son seul but étant de s’étaler au soleil.
Puis il y a nous.

Sachant que la végétation veut s’étendre à la lumière, nous pourrions lui donner un coup de main.
Lui proposer un support où s’accrocher et croître, une forme à investir.
Sûr qu’elle serait d’accord, qu’elle accepterait le cadeau.
Alors, en retour, la plante épouserait volontiers ce que nous allons construire pour elle et pour nous.
Et c’est ainsi que grâce à cet échange de bons procédés, à ce marché de bon aloi,
nous pourrions conformer l’ombre à notre fantaisie.

En utilisant un seul matériau, le fer à béton, nous construirons des volumes en formant une résille. Cette résille est constituée par les barres de métal ligaturées entre elles pour former un maillage d’environ 30 par 30 cm. Les mailles ne sont pas forcément carrées. Nous pourrons courber les barres en utilisant l’élasticité du métal, les cintrer en les passant dans une rouleuse, et les plier avec une griffe de ferrailleur.
Une grande variété de formes est possible (dans les limites physiques de la matière), le principe étant d’organiser le dialogue avec la végétation qui les envahira en s’y conformant.

Les structures seront appréhendées de l’extérieur comme des volumes foisonnants de végétation mais élaborés rigoureusement, et de l’intérieur comme des espaces poétiques intimisés par la combinaison du treillis et de l’ombrage.
Le travail en amont est fondamental (dessins, maquettes, modélisations) pour définir une démarche, choisir un parti plastique et établir une rigueur d’exécution. Cependant, nous resterons ouverts, lors de la mise en œuvre, aux possibilités d’improvisation que peut apporter le chantier.
En fonction du lieu d’implantation, de la nature du sol et de la configuration des formes, il faudra choisir les plantes pour leurs exigences, leurs spécificités et leurs aptitudes.

Alors tunnels, voûtes, tonnelles, passages, cheminements, coupoles, cônes, labyrinthes, étranglements, torsades, inclinaisons, clairières, ouvertures…

Imaginez…

Texte préliminaire à l’atelier « ferraillages et tonnelles » avec les étudiants de l’Ecole des Beaux Arts de Fort de France. Martinique. Antonio Benincà Noël 2006

Commentaires

  1. Magnifique installation où les rencontres bourgeonaient grâce à la présence de cette petite soeur. Sous les végétations de vie, nul ne pouvait ignorer sa splendeur enveloppante.
    Merci à l’Éloge de l’ombre.

  2. Bonjour Antonio

    En cherchant un doc de skydome je tombe sur ce site, une photo de ferraillage avec des jeunes et plof nous voilà déjà bien loin dans notre passé et cette belle bulle Doloise, un bel été, pelles, ciment et sueur. Elle est toujours là cette jolie forme, un peu défraichie certes mais abri étonnant pour l’équipe de scout locale.
    Tu as mon mail ci joint , au plaisir peut être d’un échange .
    Bien à toi cher ami

    Olivier

    • Bonsoir Mr Delepine,
      La vie est étrange. Nous parlions de vous avec Antonio il y a 3 ou 4 jours au téléphone.
      Je lui ai transmis votre message.
      Philippe
      PS. Vous cherchez toujours des skydomes ? Ronds ? Je pourrais vous donner les coordonnées de notre fournisseur.

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