La baleine des montagnes

La baleine des montagnes

Le balcon de belledonne

Non, il ne s’agit pas d’une espèce en voie de disparition, la baleine des montagnes est tout simplement une maison bulle en cours de restauration en Isère, par un passionné de l’architecture des années 1960/70 : Olivier Fournier.

Baleine des montagnes

Histoire de la baleine

« Sur la commune de Sainte-Marie-du-Mont (Isère), au coeur du massif de la Chartreuse, à 1.200 m d’altitude, le centre de loisirs alpin Le Balcon de Belledonne, appelé aussi La Baleine, regroupe un restaurant végétarien de 56 places, une piscine, un solarium et un sauna. C’est la première composition des architectes Pascal Hausermann et Claude Costy-Hausermann mariant des volumes différents les uns des autres et l’une des plus belles par sa légèreté et son harmonie. Les lieux ouvrent le 14 juillet 1966 mais seront rapidement abandonnés ». (source : Maisons Bulles, Architectures organiques des années 1960 et 1970, de Raphaëlle Saint Pierre, Editions du Patrimoine, p53)

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Forme de baleine

On appelle cette maison « la baleine » sans doute pour la forme de sa baie principale qui ressemble à la gueule d’une baleine et pour sa forme générale. Cette forme de « baleine » est souvent reprise dans les maisons Hausermann. On la retrouve à la maison Grilly et Pougny dans l’Ain, la maison Pasquini de Mery-sur-Cher, la maison de Rixheim…

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Achat / Restauration par Olivier

Pour la suite de l’article, je laisse la plume a Olivier.

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Arrivé en région grenobloise en 2006, je cherche une petite maison à retaper pour y vivre lorsque, au détour d’une conversation, j’entends parler d’une baleine, perchée au bord d’une falaise, bâtiment délirant tout en rondeur, le tout à plus de 1.000m d’altitude… me voyant intrigué, piqué et intéressé, mon copain Ludovic me dit: « Je connais, j’y ai fait un chantier, ça t’intéresse ? J’appelle le propriétaire… ». Le lendemain je visite…! Et là, gros coup de cœur, la première image qui me vient à l’esprit est celle des Barbapapa, la seconde est celle d’un blockhaus des plages de Normandie… Quelle beauté, mais quel état !

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C’est donc une quasi ruine, une coque en béton, délabrée, qui prend l’eau de partout, toutes les vitres sont là mais les portes ne ferment pas, royaume de la mousse végétale, tout est à faire, étanchéité, isolation, eau, électricité, assainissement, rien d’habitable en l’état… Sacré projet! On réfléchi avant de s’emballer, mais quand le cœur y est, rien à faire, c’est irrésistible.

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La visite à lieu en Octobre 2006, je signe en Aout 2007, je commence aussitôt à rénover avec le projet d’y habiter le plus vite possible… c’est à dire, dans les faits, 6 ans plus tard en Août 2013.
Je résumerai ainsi l’achat de la baleine : « au bon endroit, au bon moment ».

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La rénovation

Les travaux tous azimuts avancent doucement mais sûrement, d’autant que c’est un restaurant, cela n’a jamais été habité, pas prévu pour l’être. Il a fallu adapter un peu la Baleine et repenser la circulation intérieure. Pour cela, j’ai fendu le bar (en béton armé) et ai cassé l’âtre de la cheminé (en béton aussi) qui prenait trop de place et ne servirait plus. Pour le reste, c’est moi qui me suis adapté à la Baleine, j’ai conservé le maximum des aménagements d’origine, le superbe four à pizza purement décoratif, les bancs et alcôves, ainsi que les belles volutes décoratives. J’ai poncé l’intégralité du crépi piquant intérieur, cela m’a pris un été. Quatre portes typiques de Hausermänn, sculptures d’assemblage d’outils agricoles recouverts de fibre de verre, sont encore en place, dans leur jus.

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Les points les plus ardus de la rénovation ont été l’étanchéité, l’isolation du toit et l’assainissement des eaux usées. L’extérieur a pris cher, 40 ans de dégradation, le mortier d’origine déjà éclaté et disparu dans les années 70 a été recouvert de polyuréthane, sans autre protection, une véritable éponge… je décape jusqu’à la structure qui est restée saine. Les photos de la construction le montrent, la ferraille ne manque pas. Le plus incroyable dans cette construction, c’est la porté de la toiture, presque 8m de porte-à-faux! Et ce n’est pas la verrière qui soutient tout ça. Trois affreux poteaux avaient été installés à l’intérieur pour servir d’étais, par crainte de voir la toiture s’effondrer. Pascal Hausermänn en visite en 2010 m’avait dit: « ça, ça ne sert à rien, vous pouvez les enlever! ». Je me suis exécuté, trop content de gagner de la place mais quand même anxieux du résultat… et bien le concepteur avait raison, rien n’a bougé depuis.

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Je fais tous les travaux, seul, ou presque. Dans l’esprit tout Hausermännien, même si je n’ai rien construit, j’ai expérimenté, cherché, échoué, appris… dans l’art de la rénovation, avec des moyens limités. Auto-rénovateur et non pas auto-constructeur dirais-je.
Actuellement, septembre 2016, je commence la restauration des bulles annexes (le baleineau) qui étaient à l’origine vestiaire et Hammam. Le projet est aussi de le rendre habitable, chambre d’ami, salle d’eau, atelier… gros potentiel et affaire à suivre.

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Vivre la Baleine

Comme on se l’imagine, vivre dans la baleine est une expérience merveilleuse, sur le plateau « des Petites Roches », forêt des « Belles Ombres », dans le parc de Chartreuse, l’endroit est des plus lumineux, à 1.100 m la vue est fantastique, Mont blanc à gauche,  Chamrousse à droite, la chaîne de Belledonne s’étale en face. C’est un lieux qui se rapproche du paradis.

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Ça c’est le côté fantasmé qu’évoque la vue de la baleine, la baleine touristique qu’on peut voir sur un mur à Beaubourg car dans la réalité, il y a aussi les petits inconvénients. Notamment l’hiver… encore une fois, c’était un restaurant d’altitude, comprendre qu’il fonctionnait l’été, pas pendant l’hiver.

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Or, ici c’est la montagne avec toutes ses joyeusetés, il arrive qu’on termine le chemin les pieds dans la neige, que les arbres tombent sur la route, sur les lignes électriques… Cela fait partie du jeu, il faut l’accepter et quand on doit ravitailler 20 sacs de granules toutes les semaines, on se dit qu’habiter la baleine, ça se mérite.
Le chauffage, puisqu’on en parle: l’architecture Bulle des années 60 est réputée pour être inchauffable. Disons que j’y arrive avec un poêle de 12 kW, plusieurs palettes de pellets, bien habillé pour tenir l’hiver… La baleine doit approcher la classe énergétique Z, pas du tout Bioclimatique ! Un jour, un jour… j’aurai des doubles vitrages, j’en suis encore là.

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L’architecture ronde pose un problème de rangement et d’ameublement. Avec peu de place, si on ne veut pas vivre encombré de boîtes et autres cartons, pas le choix, il faut se débarrasser de ce qui n’est plus nécessaire, le travail est à faire sur soi. Quant aux meubles… à part la tables et les chaises, il faut les fabriquer soi-même, cela prend du temps. Il y a d’ailleurs encore quelques espaces que j’ai du mal à aménager. Avec un bâtiment si typé, on imagine du mobilier des années 60, résine et Formica, space-age flamboyant, j’en suis loin… D’autant que je vis dans la baleine, je n’ai pas l’intention d’en faire un show-room non plus… J’y reste sensible mais c’est secondaire pour le moment.

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Sinon, c’est un grand loft à vivre, trois portes ouvrent sur l’extérieur, une seule porte intérieure. Toute en lumière, quasi 360 degrés de vitrage, l’impression de vivre dans les arbres et les nuages, spectacle assuré tous les matins au lever du soleil, OUI c’est super chouette !

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Quelle aventure !

Souvent, lors de l’achat, on me faisait entendre qu’il fallait quand même être doux rêveur pour s’imaginer y vivre. Il reste encore énormément de travail à accomplir, je le sais, mais pour le principal, l’objectif est atteint puisque j’y habite. Avoir su redonner un souffle de vie à ce monument, à cette œuvre d’art, m’aura apporté la satisfaction d’un accomplissement et je l’avoue, une certaine fierté.

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Commentaires

  1. Bravo
    Tu conservés le patrimoine architectural français ! Seul, a bout de bras
    Je suis admiratif et un peu « jaloux » de la force que tu as eu pour te lancer et continuer ton projet
    Si je passe un jour dans ton « coin » j aimerais te rendre visite
    Cordialement
    Antoine

  2. Bonjour
    J’avais visité cet endroit extraordinaire vers mes 20 ans, (1968) et j’en gardais un souvenir très vivace … Puis j’ai un peu oublié. Aujourd’hui je tombe sur un reportage dans la revue de décoration AD sur les maisons-bulles, avec des réalisations de Hausermann, et du coup comme on ne mentionnait pas « La baleine  » j’ai tapé sur Google… et je trouve ce site ! C’est extraordinaire ce que vous faites ! Quel endroit merveilleux ! Mais comme vous dites, il faut le mériter, surtout l’hiver.
    Grâce à vous je retrouve un des émerveillements qui ont marqué ma jeunesse (je m’intéressais à l’architecture bien sûr).

    Toutes mes félicitations et bon courage !

    René Tardy

    • Merci pour votre commentaire chaleureux, heureux de vous faire remémorer de bons souvenirs, j’ai toujours apprécié les anecdotes concernant la Baleine, c’est un lieu d’histoire.
      Si l’envie vous prend de venir faire une visite, je suis open!
      Olivier

  3. Pour l’avoir vu récemment sous la neige, c’est le meilleur souvenir que je garde de mon séjour. J’en avais entendu parlé et j’étais à deux pas sans le vouloir. GRANDIOSE. Maintenant que je viens de lire votre reportage. Je dis BRAVO pour ce que vous faîtes. SUPERBE RÉNOVATION

      • Bonjour olivier,
        Quand j’étais plus jeune mon oncle travaillait Et les travailles toujours d’ailleurs les terres en dessous de cette maison.
        Cette maison m’a toujours subjugué et en grandissant cette envie de revoir la fameuse baleine me donnait envie.

        Il y a quelques année j’ai réemprunté le chemin en dessous de cette maison et j’ai été abasourdie quand j’ai vu l’état de délabrement de celle-ci.

        Je suis vraiment ravie de découvrir que depuis ma dernière visite vous avez mis beaucoup de cœur à sa restauration.

        Mon rêve de petite fille a toujours été de pouvoir un jour y rentrer et de pouvoir découvrir la vue magnifique qu’il doit y avoir.

        Grâce à votre témoignage et vos photos vous m’avez permis de réaliser mon rêve d’enfant …. donc un grand merci à vous

  4. Bonjour,
    Le travail que vous avez accompli est un hommage à mon ami Pascal.
    Nous avons participé à un chantier particulier (avec quelques élèves de l’Ecole d’Architecture de Paris) à St. Peray en Ardèche en 1970.
    Nous avons réalisé des maisons/bulle en polyester qui ont été exposées à l’ancien pavillon 8 des Halles de Paris.
    Je crois avoir su qu’un « village » avait été construit sur la route du col du PIN (direction Lamastre)…mais je n’ai plus eu de nouvelles de ce village.
    Avec Pascal, nous avons gardé « relation » et lorsqu’il était en Inde il m’avait fait parvenir le dessin d’un projet de maisons construites avec des éléments récupérés.
    C’est tout simplement magique….du Pascal pur et simple.
    Merci pour cet hommage à un « grand méconnu ».
    Robert C. TOSCO

  5. Bonjour,
    Le travail que vous avez accompli est un hommage à mon ami Pascal.
    Nous avons participé à un chantier particulier (avec quelques élèves de l’Ecole d’Architecture de Paris) à St. Peray en Ardèche en 1970.
    Nous avons réalisé des maisons/bulle en polyester qui ont été exposées à l’ancien pavillon 8 des Halles de Paris.
    Je crois avoir su qu’un « village » avait été construit sur la route du col du PIN (direction Lamastre)…mais je n’ai plus eu de nouvelles de ce village.
    Avec Pascal, nous avons gardé « relation » et lorsqu’il était en Inde il m’avait fait parvenir le dessin d’un projet de maisons construites avec des éléments récupérés.
    C’est tout simplement magique….du Pascal pur et simple.
    Merci pour cet hommage à un « grand méconnu ».
    Robert C. TOSCO

      • Bonjour
        Je viens à peine de voir votre réponse à mon message.
        Il est vrai que je ne suis pas un accro des portables.
        Vaut-il mieux tard que jamais
        J’ai un peu de documents concernant le chantier de Saint Peray, notamment par le biais d’une doctorante en architecture du CAUE d’Annecy, qui prépare une thèse là dessus.
        Pascal est décédé en 2011 , a Madras et nous avons gardé contact jusqu’au bout
        Je serai ravi de vous contacter pour parler de tout ça….bie
        n entendu, même si c’est un peu tard ( désolé de ne pas être accro aux écrans)

  6. Bonjour,

    Journaliste pour la revue Beaux Quartier – Art de vivre, design et culture – J’aurais été curieux de vous rencontrer pour discuter de votre réhabilitation. Magnifique projet !
    La revue est diffusée dans toute l’Isère.
    N’hésitez pas à me contacter.
    COrdialement,

  7. Bonjour, je suis journaliste à France3 Alpes et j’aimerais faire un reportage sur votre maison dans le cadre de notre journal télévisé. Pourriez-vous

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