Interview Bernard Leclercq

Bernard LeclercDe 1983 à 1985, Bernard Leclercq et son épouse ont construis une maison en parpaings et voile de béton en Cote d’Or, en partie enterrée dans une ancienne carrière. Il répond aux questions d’Habitat Bulles.

Habitat Bulles : Bonjour Bernard, peux tu te présenter brièvement aux lecteurs d’Habitat Bulles ? Quelle est ta formation ?
Bernard Leclercq : J’ai une agrégation de biologie et géologie et une thèse de doctorat en écologie. Par la suite je me suis formé en urbanisme, sylviculture, ornithologie et psychologie.
Habitat Bulles : Pourquoi ton intérêt pour les bulles ? Comment t’est venue l’idée de construire de cette façon ?
Bernard Leclercq : Notre idée est née en 1978 au cours d’un voyage de 6 semaines en Irlande avec mon épouse. Nous campions sous une petite canadienne et avons eu 160 jours de pluie. Un jour en attendant le soleil improbable, nous avons imaginé chacun de notre coté, la maison de nos rêves. Et nous avons eu la même inspiration, une maison en forme d’escargot (de Bourgogne bien sur !). Enfin mon épouse avait aménagé avant de me connaître, une soupente surmontée d’un vieux grenier à foin du XVIème, en plein cœur de Dijon. La réalisation tout en rondeurs et niveaux superposés, ne lui permettait pas d’imaginer vivre ensemble dans une maison « ordinaire ». Nous avons d’abord cherché du côté des maisons arrondies, en bois (système de M. Blin) dont existait une réalisation dans une commune voisine de chez nous, mais qui ne permettait que difficilement une autoconstruction ou une modularité que nous recherchions alors. Un ami vendait justement une partie d’un terrain familial en bordure du village de Fleurey-sur-Ouche, mais couvert de 4 à 5 m de déblais de carrière (inexploitée depuis quelques siècles !).
Habitat Bulles : Pourquoi avoir choisi le voile de béton ?
Bernard Leclercq : L’idée de construire une maison ronde en coquille venue, nous avons cherché des modèles similaires et nous sommes tombés sur le livre de Joël Unal dont la technique décrite nous a conquis.
Habitat Bulles : Quelles rencontres as tu faites ?
Bernard Leclercq : J’avais fait durant l’été 1980 un stage de dynamique mentale à Tourettes-sur-Loup, dans ce qui allait devenir la propriété Gaudet, mais à l’époque il n’existait que la petite bulle occupée encore par Antti et sa structure en voile de béton (projeté sur une toile non tissée  soutenue par des boudins gonflables) qui servait de salle de réunion. Le dernier jour Antti est venu manger avec les animateurs et je me suis trouvé à leur table. J’ai évidemment été subjugué par le personnage alors d’une vivacité d’esprit éblouissante parlant de sa vie et de ses réalisations architecturales.
Avant de nous lancer dans le choix du voile de béton, nous avons organisé un petit tour de France des réalisations accessibles au printemps 1982 : évidemment celle de Joël Unal, mais aussi celles de Lapoutroie, de St. Chamon, de Ponsas, et la maison en construction de Antonio Bénincà. Restait à concrétiser notre rêve : nous avons contacté deux des architectes signalés dans le livre (Pat Ambacher et Patrick Delesvaux) lesquels ont bien voulu nous accompagner pour la conception du gros œuvre.
Comment s’est passé la construction ?
Etant un peu effrayé par l’auto-construction complète, nous avons fait faire les murs verticaux mais circulaires par une entreprise traditionnelle locale. Ensuite Joël est venu nous aider à ferrailler les dômes (juillet 1983) et ensuite c’est Tonio qui est venu projeter le béton avec son matériel durant l’automne 83. Les travaux d’isolation, la construction de la cheminée à tirage inversé (en voile de béton aussi), les divers aménagements furent réalisés en grande partie par nous même en 1984 et nous avons emménagé à l’automne 1985.
Habitat Bulles : Il y a eu des extensions je crois ?
Bernard Leclercq : Oui en effet, avec l’arrivée de deux jeunes enfants  (en famille d’accueil chez nous, pour une durée qui s’annonçait longue) nous avons agrandi la maison ; Joël est encore venu donner un coup de main au ferraillage en juillet 1988, mais nous avons fait couler le voile à la pelle et au râteau par une petite entreprise locale. Enfin une dernière extension de l’abri voiture a été faite l’année suivante toujours en voile de béton coulé sur ferraillage et stucanet.
Habitat Bulles : On parle beaucoup de nos jours du développement durable mais ta démarche allait déjà dans ce sens à ton époque je crois, tu étais même précurseur non ?
Bernard Leclercq : Dès la conception nous voulions une maison écologique ; de par mon travail (formation continue des architectes) j’avais constaté l’énorme carence de la prise en compte des questions bioclimatiques dans l’architecture. Nous avons profité du terrain exposé plein sud, couvert d’une couche de 4 à 5 m de déblais de carrière, pour enterrer la maison sur la moitié nord (de l’ouest à l’est) et l’ouvrir sur le sud par deux grandes serres.
Par la suite, ne pouvant facilement être raccordé aux égouts, j’ai aménagé un système d’épuration par bassins plantés de roseaux et autres plantes de marais (en étant alors en complète illégalité, car le système n’était pas encore homologué en France…).
Habitat Bulles : Quelle est ta vision aujourd’hui des maisons bulles avec le recul ?
Bernard Leclercq : Nous ne regrettons pas cette aventure qui nous a permis de rencontrer des personnes hors du commun avec qui nous avons tissé de vrais liens d’amitié. Nos enfants (maintenant adoptés) sont extrêmement attachés à cette maison et n’ont pas souffert de son originalité ; au contraire elle faisait l’envie de leurs camarades (maison « barbe-à-papa », maison des « stroumpfs », piscine originale, toit accessible, chaque pièce en accès direct sur le jardin d’où une grande indépendance à l’adolescence !).
Nous repartons dans le perfectionnement de l’idée bioclimatique de départ avec la découverte du système PAHS dont Antoine Strauss nous a parlé et son début de réalisation chez nous depuis l’été 2012.
Nous nous posons également la question du remplacement des simples vitrages des serres.
Évidemment avec le recul nous préférerions utiliser des matériaux à plus faible empreinte écologique et plus facilement recyclables….
Habitat Bulles : Un dernier petit conseil pour nos lecteurs ?
Bernard Leclercq : L’âge avançant, nous conseillerions de ne pas multiplier les niveaux, escaliers, recoins pour pouvoir en profiter le plus longtemps possible !

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